Le ronronnement de l’aspirateur résonne dans l’appartement. Encore la chambre et j’ai terminé ; quelle plaie le ménage ! Sitôt l’appareil remis au placard, il est enfin temps de penser à moi. J’ouvre la penderie et passe en revue mes tenues d’été. Les jupes glissent sur la tringle et ma main arrête le mouvement : ma robe violette m’attire. Un essai concluant devant le miroir, suivi d’un maquillage pas trop appuyé : en route pour la gare !

La porte d’entrée claque et je dévale les marches, mon fidèle sac fourre-tout à la main. Le trajet pour Lille Flandres s’effectue à un bon pas, je ne dois pas rater l’arrivée du train. L’air dans la rue est chaud et moite, je transpire dans ma robe. Putain de réchauffement climatique, de telles températures début mai ! Allez, j’arrête de me plaindre et j’avance. Je vais le revoir enfin, juste un week-end, mais c’est toujours ça de pris. Ce n’est pas facile à vivre cette vie à deux...séparés. Encore six mois à tenir et son contrat à Londres se finira ; l’Eurostar sera remplacé par des balades amoureuses dans le vieux Lille.

La climatisation glacée de la gare me rafraîchit. Devant l’écran des arrivées, son train est annoncé avec 45 minutes de retard. J’ai bien fait de me speeder pour venir ! Je fais les cent pas dans le hall, le portable à l’oreille : l’appel ne passe pas, aucune réponse, Pierre doit être bloqué sous la Manche.

Un jeune homme, style étudiant, vient à ma rencontre. Encore un dragueur, il ne manquait plus que ça ! Même pas, il m’interpelle en me montrant son portable. Il a oublié son câble pour le recharger. Je lui file mon câble, il reste planté devant moi, complètement perdu le pauvre.

— Les vélos, lui dis-je alors, comme une évidence.

Je reporte mon attention sur l’écran de mon téléphone. Toujours aucune nouvelle de Pierre. L’étudiant pose son sweat jaune canari sur sa valise et commence sa séance.

Pour occuper le pédalage, il fait la course avec sa voisine de vélo-recharge ; il a l’air sympa dans son look ado attardé en jean basket. Une fois le téléphone chargé, il me rend le câble.

— Merci, c’est bon, je suis prêt pour le tour de France !

— Mmmh, lui répondis-je, les pensées ailleurs.

Puis je reprends ma marche dans le hall en imaginant mes retrouvailles avec Pierre.

Les hauts parleurs annoncent l’arrivée prochaine de l’Eurostar. Je me dirige vers les escalators menant au quai quand je me fais aborder par un passant. Je me retourne vivement et me retrouve face à un homme d’un âge incertain qui me dévisage. Que me veut ce type avec son bonnet de Schtroumpf et ses vêtements crades ? Je n’ai pas le temps de faire la causette et de jouer les mères Térésa. Pour m’en débarrasser au plus vite, je fouille dans mes poches et en tire un billet de cinq euros que je lui tends. Je m’éloigne assez vite de cet individu et me dirige vers l’accès aux quais.

Un vrombissement grandissant annonce l’arrivée de l’Eurostar. Je recule au passage de la motrice. Les freins grincent et je guette les voyageurs qui descendent. La silhouette de Pierre se détache au bout du quai. Je slalome rapidement entre les passagers, murmurant des « pardon » à longueur de pas. Deux bras ouverts m’enserrent tendrement, place au week-end en amoureux...